Pourquoi cette envie de peindre sur des chasubles des XVIIe et XVIIIe siècles
?
Louis Cane - Les chasubles ressemblent à des formes avec lesquelles
j'ai travaillé dans mes tableaux découpés des années
1970, et en particulier à une sérigraphie que j'ai réalisée
en 1971. On pouvait voir, à l'époque, la reproduction d'un vêtement
chinois qui avait à peu près la même forme homéomorphique
avec la découpe des emmanchures. Cette forme souligne un effet de frontalité
qui m'intéresse, qu'il est aussi possible de rapprocher des toiles découpées
ou des toiles sol-mur.
La broderie ancienne des XVIIe et XVIIIe siècles est une broderie où
s'inscrit un dessin baroque extrêmement sophistiqué et soigné.
Les rapports de couleurs, dune grande précision et d'une exceptionnelle
finesse, ainsi que les dessins, constituent pour moi un véritable «
motif ». Je peins sur le motif. Non pas devant le motif, mais réellement
sur ! Ce travail se situe dans la continuité de mes toiles de Nymphéas
sur grillage. D'un point de vue plus philosophique, il me semble que la peinture
française a cette capacité de regarder les choses de près.
C'est une description de l'intérieur qui favorise le sens et le caractère
des formes.
Sur la technique employée ?
LC : Je me suis servi de ces chasubles comme dune nature morte, en
posant la peinture sur le motif de telle façon que les touches de peinture
se fondent avec le dessin des broderies. Jai gardé la découpe
des chasubles qui sont posées directement sur le mur, fonctionnant alors
comme des toiles découpées ou, pour les plus fragiles, encadrées.
Ces chasubles sont peintes dans le style Nymphéas ou en reprise du motif
originel
Une sorte de ragréage de la surface. Les chasubles ont aussi
constitué le fond dune toile sur lequel jai fait imprimer au
jet dencre une Nativité de Michel Auguier du XVIIe siècle.
Puis jai repeint par-dessus. Cest le cas, par exemple, de la Nativité
aux sanguines.
Pour quelles raisons, avez-vous choisi la Nativité de Michel Augier
?
LC : Cette Nativité, que lon peut voir à léglise
Saint-Roch, à Paris, a cette particularité dêtre très
« familière ».
Marie et Joseph devant lEnfant Jésus ?
LC : Oui. Mais, cest surtout un homme et une femme sémerveillant
de la naissance dun enfant qui est alors, en raison de cette familiarité
et de cette proximité des sentiments, un enfant universel.
Pourquoi imprimer une Nativité ancienne sur un tissu ancien ?
LC : Les vêtements daujourdhui ne marchent pas, picturalement,
avec les motifs de fleurs. Le drapé baroque de cette sculpture a également
favorisé mon choix. Mais il nest pas impossible que pour Noël
2001 tout le monde soit nu
Affaire à suivre !
Ainsi, les contours de ces vêtements, qui reviennent sur eux-mêmes
comme une écriture, ont facilité formellement leur intégration
aux tableaux de fleurs et aux motifs brodés. Cette incrustation très
en aplat donne un effet de peinture « serrée »
Effet
qui me passionne chez Cézanne.
Évidemment, il ne sagit pas dune touche de pinceau type expressionniste,
mais dun geste pictural très posé dont lintention est
de condenser dans ces trois ou quatre motifs superposés la composition
du tableau. Doù une peinture qui na pas dépaisseur
par sa profondeur, pas dépaisseur non plus par les touches de couleur,
mais un « volume » créé par la condensation des motifs.
Le fait davoir fondu ces quatre motifs, broderies chinoises ou françaises
du XVIIIe siècle, Nymphéas et nativité figurative, suggère
une grande densité
Une sorte de peinture qui prendrait son temps.
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