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TALUS n° 04 - décembre 2000
LA NATIVITÉ

Louis Cane

Pourquoi cette envie de peindre sur des chasubles des XVIIe et XVIIIe siècles ?
Louis Cane
- Les chasubles ressemblent à des formes avec lesquelles j'ai travaillé dans mes tableaux découpés des années 1970, et en particulier à une sérigraphie que j'ai réalisée en 1971. On pouvait voir, à l'époque, la reproduction d'un vêtement chinois qui avait à peu près la même forme homéomorphique avec la découpe des emmanchures. Cette forme souligne un effet de frontalité qui m'intéresse, qu'il est aussi possible de rapprocher des toiles découpées ou des toiles sol-mur.
La broderie ancienne des XVIIe et XVIIIe siècles est une broderie où s'inscrit un dessin baroque extrêmement sophistiqué et soigné. Les rapports de couleurs, d’une grande précision et d'une exceptionnelle finesse, ainsi que les dessins, constituent pour moi un véritable « motif ». Je peins sur le motif. Non pas devant le motif, mais réellement sur ! Ce travail se situe dans la continuité de mes toiles de Nymphéas sur grillage. D'un point de vue plus philosophique, il me semble que la peinture française a cette capacité de regarder les choses de près. C'est une description de l'intérieur qui favorise le sens et le caractère des formes.
Sur la technique employée ?
LC : Je me suis servi de ces chasubles comme d’une nature morte, en posant la peinture sur le motif de telle façon que les touches de peinture se fondent avec le dessin des broderies. J’ai gardé la découpe des chasubles qui sont posées directement sur le mur, fonctionnant alors comme des toiles découpées ou, pour les plus fragiles, encadrées. Ces chasubles sont peintes dans le style Nymphéas ou en reprise du motif originel… Une sorte de ragréage de la surface. Les chasubles ont aussi constitué le fond d’une toile sur lequel j’ai fait imprimer au jet d’encre une Nativité de Michel Auguier du XVIIe siècle. Puis j’ai repeint par-dessus. C’est le cas, par exemple, de la Nativité aux sanguines.
Pour quelles raisons, avez-vous choisi la Nativité de Michel Augier ?
LC : Cette Nativité, que l’on peut voir à l’église Saint-Roch, à Paris, a cette particularité d’être très « familière ».
Marie et Joseph devant l’Enfant Jésus ?
LC : Oui. Mais, c’est surtout un homme et une femme s’émerveillant de la naissance d’un enfant qui est alors, en raison de cette familiarité et de cette proximité des sentiments, un enfant universel.
Pourquoi imprimer une Nativité ancienne sur un tissu ancien ?
LC : Les vêtements d’aujourd’hui ne marchent pas, picturalement, avec les motifs de fleurs. Le drapé baroque de cette sculpture a également favorisé mon choix. Mais il n’est pas impossible que pour Noël 2001 tout le monde soit nu… Affaire à suivre !
Ainsi, les contours de ces vêtements, qui reviennent sur eux-mêmes comme une écriture, ont facilité formellement leur intégration aux tableaux de fleurs et aux motifs brodés. Cette incrustation très en aplat donne un effet de peinture « serrée »… Effet qui me passionne chez Cézanne.
Évidemment, il ne s’agit pas d’une touche de pinceau type expressionniste, mais d’un geste pictural très posé dont l’intention est de condenser dans ces trois ou quatre motifs superposés la composition du tableau. D’où une peinture qui n’a pas d’épaisseur par sa profondeur, pas d’épaisseur non plus par les touches de couleur, mais un « volume » créé par la condensation des motifs. Le fait d’avoir fondu ces quatre motifs, broderies chinoises ou françaises du XVIIIe siècle, Nymphéas et nativité figurative, suggère une grande densité…
Une sorte de peinture qui prendrait son temps.

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